26 Janvier 2018

Prélèvements sociaux sur les revenus du capital : la différence de traitement est conforme au droit de l’UE

Classé dans : Fiscalité

 En janvier 2017, le Conseil d’État avait saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle relative à l’assujettissement aux prélèvements sociaux des revenus du capital de source française perçus par les personnes affiliées au régime de sécurité sociale d’un État autre qu’un État membre de l’Espace économique européen (EEE) ou la Suisse.

Cette saisine avait pour point de départ un recours pour excès de pouvoir contre les décisions contenues dans les deux communiqués de presse que le Gouvernement de Manuel Valls et la direction générale des finances publiques (DGFIP) ont publiés le 20 octobre 2015, suite à l’arrêt dit « de Ruyter » [1], et qui fixent les modalités de restitution des prélèvements sociaux acquittés à tort – entre 2012 et 2015 – par les personnes relevant d’un régime de sécurité sociale d’un État européen autre que la France (États membres de l’UE, Islande, Norvège, Liechtenstein, Suisse).

Le requérant [2] conteste, à juste titre, le fait que les deux communiqués excluent du champ du remboursement les personnes affiliées à la sécurité sociale d’un État autre qu’un État membre de l’EEE ou la Suisse.

Avant de statuer sur la demande du requérant, les juges du Palais-Royal avaient demandé à la cour de Luxembourg si l’assujettissement aux prélèvements sociaux des revenus du capital perçus par les personnes affiliées au régime de sécurité sociale d’un État tiers « constitue une restriction aux mouvements de capitaux en provenance ou à destination des pays tiers, en principe interdite par l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne » (TFUE).

Dans un arrêt en date du 18 janvier 2018, la CJUE considère que le dispositif fiscal applicable aux personnes affiliées au régime de sécurité sociale d’un État tiers « constitue une restriction à la libre circulation des capitaux entre un État membre et un État tiers » [3]. Cependant, cette restriction est justifiée dans la mesure où il existe une « différence de situation objective […] entre une personne physique, ressortissant d’un État membre, mais résidant dans un État tiers, autre qu’un État membre de l’EEE ou la Confédération suisse, et qui y est affiliée à un régime de sécurité sociale, et un ressortissant de l’Union résidant et affilié à un régime de sécurité sociale dans un autre État membre ». La cour de Luxembourg estime que « seul ce dernier est susceptible de bénéficier du principe d’unicité de la législation en matière de sécurité sociale [4] […] en raison de son déplacement à l’intérieur de l’Union ».

Vous pouvez prendre connaissance de l’arrêt de la CJUE en cliquant ici.

Par ailleurs, le communiqué de presse publié par la CJUE est disponible ici.

Source : Blog de Richard Yung 

[1] En vertu de l’arrêt Ministre de l’économie et des finances contre Gérard de Ruyter, rendu par la CJUE le 26 février 2015, une personne relevant d’un régime de sécurité sociale d’un État européen autre que la France (États membres de l’UE, Islande, Norvège, Liechtenstein, Suisse) ne peut être soumise à la CSG sur les revenus du patrimoine.
[2] Un ressortissant français qui réside et travaille en Chine, qui y est affilié à un régime privé de sécurité sociale, et qui souhaite obtenir le remboursement des prélèvements sociaux perçus sur ses revenus du capital de source française (revenus fonciers et plus-value immobilière).
[3] La différence de traitement instituée par la législation fiscale française « est susceptible de dissuader les personnes physiques qui sont affiliées à un régime de sécurité sociale d’un État tiers autre que les États membres de l’EEE ou la Confédération suisse de procéder à des investissements immobiliers dans l’État membre dont elles possèdent la nationalité et est, partant, de nature à freiner la circulation des capitaux de tels États tiers vers ledit État membre ».
[4] Prévu à l’article 11 du règlement européen du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, le principe de l’unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale « vise à éviter les complications qui peuvent résulter de l’application simultanée de plusieurs législations nationales et à supprimer les inégalités de traitement qui, pour les personnes se déplaçant à l’intérieur de l’Union, seraient la conséquence d’un cumul partiel ou total des législations applicables » (CJUE, 26 février 2015, De Ruyter, aff. C-623/13, § 37).